Création et pouvoir
Comment répondre, s’exprimer,
Nous les artistes, les créateurs, les chercheurs,
devant ce qui nous semble être des injustices,
des blocages, les marginalisations,les étouffements,
les incohérences de fonctionnement,
vis-à -vis de nos idées et créations,
donc de nos existences ?
Comment répondre sans manifestations,
sans lettres recommandées, sans banderoles,
sans pétitions, sans tribunaux administratifs,
sans huissiers ?
Comment répondre et nous faire voir, entendre,
Avec notre pouvoir, celui de notre art
et de notre imagination ?
Moi,
parce que je suis artiste,
un jour un enfant en visite à Gorodka m’a dit :
« S’il vous plaît, ne me dessinez surtout pas un Mularlaid,
ce n’est pas beau cette sorte d’humain
au gros cul d’équidé et petite tête de volaille... »
L’excellente qualité de la “ paranoïa critique†,
et de plus instinctive de cet enfant-poète, m’a troublé.
Car, qui, sans être bassement courtisan,
aimerait avoir le portrait dessiné d’un Mularlaid ?
Leur photographie dans les dictionnaires,
par contre, est nécessaire :
Le Mularlaid ne doit pas être confondu avec le mulet,
animal issu du croisement du cheval et de l’âne.
Croisement malheureusement stérile
(Le mulet est un animal à bâter).
Ne pas confondre non plus le Mularlaid avec le mulard,
croisement du canard de Barbarie et du canard commun.
Croisement stérile également.
(Le mulard est un animal à gaver).
Non, le Mularlaid, est bien un humain.
On pourrait toutefois noter quelques ressemblances,
il en va parfois ainsi entre certains hommes et les bêtes.
Par exemple, le Mularlaid a tendance à péter plus haut que son cul...
à cancaner de tous côtés...
Mais sa ressemblance la plus évidente reste sa filiation.
Née du croisement de l’incompétence et de la prétention.
Il serait à espérer que le Mularlaid soit également stérile !
(On s’en sert principalement dans les institutions,
le plus souvent en Province où il s’occupe notamment de Culture...)
Bref, cet enfant m’a fait comprendre
que rencontrer parfois les Mularlaids suffisait,
et qu’ils ne valaient pas un dessin.
Alors, j’ai réfléchi,
et pour faire sourire l’enfant,
j’ai bricolé des trucs d’assez mauvais goà »t, exprès,
mais avec des lumières et des couleurs pour faire gai,
et j’ai appelé tout cela : "LES JOYEUSES PROTESTATIONS".
Depuis, l’enfant et moi on rigole bien
et avons décidé de continuer...
Contestations, revendications, protestations...avec humour ?
© Pierre Shasmoukine 1993
Texte passé dans la revue Art et Public