AVANT L’HEURE, EST-CE L’HEURE?
Sarlat a toujours affiché un certain dédain pour son époque. Regardez-la cette ville, toute pavée de frais. Ceux qui y viennent pour la première fois en sont tout retournés et se croient revenus deux ou trois cents ans en arrière. Pourtant si elle affiche ses façades ouvragées et plus de fenêtres Renaissance qu’ailleurs, elle a longtemps travaillé et craint Dieu. L’artiste provocateur n’est venu que bien plus tard, pratiquement à la fin du vingtième siècle, souffler le chaud de la création contemporaine sur le trottoir de la rigueur provinciale. Pierre Shasmoukine a mis presque trente ans pour se faire plus ou moins adopter par ses plus proches voisins. Et encore! Faut dire que le bonhomme n’a jamais cultivé le compromis. II a fait surgir dans les bois de La Canéda, tout près de Sarlat, un univers à sa mesure qu’il faut aller découvrir: Gorodka. Ce lieu, difficilement descriptible, mais qualifié de magique par ses visiteurs, résume à lui seul une expérience de vie hors des sentiers battus. Shasmoukine,,en plus de sa peinture, fut dans les années 80 à la tête d’un centre incontournable de documentation sur les innovations sociales, technologiques et culturelles, spécialisé dans le monde rural: l’Institut Rural d’Information. A cette époque les gens quittaient les campagnes pour s’entasser dans les villes. Ils sont aujourd’hui chômeurs, aimeraient bien revenir à la campagne, l’I.R.I leur rendrait bien service, s’il existait encore. Shasmoukine était simplement en avance de vingt ans. Il fonda ensuite la galerie Za, qui a exposé depuis 84, plus de deux cents artistes de très haut niveau. A Gorodka, Shasmoukine a toujours quelque chose à faire... A Gorodka, les visiteurs ont toujours quelque chose à voir..
Et que dire d’un François Augiéras à qui l’on consacre à présent colloques et expositions?-L’auteur du "Vieillard et l’Enfant" passait pour un fou. II trouva en Périgord un éditeur à sa mesure avec Pierre Fanlac, autre personnage dont on commence à peine à saisir toute la portée. Augiéras finit misérablement sa vie à l’hôpital de Domme, nous léguant quelques livres dont le dernier, "Domme, ou l’essai d’occupation", laisse un goût étrange de rêve inachevé. Ce livre est un témoignage singulier qui peut se prendre au premier degré et rester le journal d’un sans domicile fixe dans les années 70. Il peut aussi se lire comme une tentative d’approche de mondes plus subtils. |
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