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P. SHASMOUKINE ÉCRITURE
Quand Inoshé était Maliouta
Nouvelles


Année 1480

Moi, Inoshé, en 1480, j’étais Maloutia. Quand j’étais Maloutia, j’étais responsable des ordres d’Ivane et de l’ordre du pays qu’Ivane voulait rénover. Ivane ne pouvait s’empêcher de faire de grands gestes d’appels fous... Mais le Voïvode responsable du secteur se pavanait dans ses discours, organisait des fêtes et payait des hommes pour parler de lui. Le Voïvode, satisfait, s’asseyait, mais il ne s’asseyait que pour calculer les distances entre son fauteuil et les autres fauteuils. Le Voïvode, parle, fait croire, oublie et rit. Le Voïvode est un traître mou et vaniteux et donne à Ivane de brusques fièvres. Alors moi, Maloutia, j’y suis allé. J’ai guetté derrière sa porte de fer forgé, et je me suis avancé devant le Voïvode qui avait ri des idées d’Ivane. Je l’ai regardé, et sans rien expliquer, lui ai fait éclater le sang hors de ses yeux, longuement. Ses yeux ont roulé sur sa poitrine et tendrement ont pénétré la neige molle. Pour remplir ses orbites vides et sa bouche hurlante, j’ai enfoncé des silex taillés. Pourquoi crier maintenant, le Voïvode, tu effraies les petits oiseaux et ils se sauvent... Pourquoi crier aujourd’hui, Voïvode ? Tu cries pour t’entendre, mais tu as entendu, derrière les suppliques d’Ivane, son angoisse à te convaincre. Plus tard, j’ai enfoncé une aiguille dans le cœur du Voïvode. Malheureusement, il était déjà presque mort. Quand j’étais Maloutia, je voyais Ivane s’étouffer aux rides sereines, aux feuilles rouges des érables, au chant d’amour perse. Son regard se pose sur les regards perdus et les regards perdus sont restés dans ses yeux. La petite flamme qu’il poursuit, éclaire, je le sais, les visions les plus belles. Il monte vers cette étincelle violette, hors d’atteinte, dont j’avais déjà entendu parler. Mais c’est à cette époque que j’ai compris un peu, vaguement toutefois, et uniquement à travers le regard souvent lointain d’Ivane. A cette époque, Ivane a décidé qu’il fallait, pour changer les mentalités, ouvrir d’autres portes. Mais les Moujadmiks fermaient les yeux devant l’étincelle violette. Ils voulaient préserver leurs vieilles pensées, et se persuadaient, par intérêt, que leurs privilèges acquis étaient choses sacralisées. Alors moi Maloutia, je suis allé à la rencontre de Moujadmiks. Dès qu’ils me voient, ils savent qu’ils vont mourir, et il guettent une dernière petite image précise à emporter dans la boue. Trop tard Moujadmiks, c’était la grande image d’Ivane qu’il fallait voir. J’ai demandé à mes archers d’immobiliser ces braillards sur des lits de braises, mais c’est moi qui verse le petit filet d’huile bouillante dans leurs gorges qui sifflent et gargouillent. Toute leurs chairs ont grésillé longuement dans la chaleur, l’odeur et les râles. Pourquoi crier maintenant Moujadmiks, vous effrayez les petits oiseaux qui s’envolent. Plus tard, j’ai demandé aux archers de faire avancer les chevaux, que leurs sabots fassent éclater les chairs cuites et les entrailles brûlées. Mais les Moujadmiks étaient déjà presque tous morts. Quand j’étais Maloutia, Ivane au-dessus de l’immobilisme a dit :
« je n’expliquerai plus rien, j’agirai seul et je penserai toujours qu’essayer est important. » A moi Maloutia, Ivane ne disait plus rien. Peut-être pensait-il que je savais. Mais Altanaï, la femme d’Ivane, était de plus en plus à ses côtés. Elle écoutait longuement les projets d’Ivane, le questionnait, fouillait ses idées. Et Ivane était à genoux, a tête dans ses mains à écouter les questions d’Altanaï. Et Ivane était debout, tournait dans la salle, écrasait les fourrures, levait les bras et répondait aux questions d’Altanaï. Ivane lui donnait tout. Un jour, Altanaï disparut. Ivane a pensé qu’elle avait besoin du regard de Dieu pour savoir la vérité sur les rêves d’harmonie. Mais un jour Ivane su : Altanaï avait volé ses idées pour les vendre au Karol, son voisin. Alors Ivane se fige et exige que ses larmes deviennent lames. Alors Ivane se fige et exige que plus jamais le nom d’Altanaï ne soit prononcé. Un signe d’Ivane, Altanaï sera désormais Mimi-na-Gusa. Un signe d’Ivane, un enlèvement et Mimi-na-Gusa se trouve liée devant moi. De la belle Altanaï, amour d’Ivane, ne reste qu’un gros insecte hargneux et buté, aux yeux furieux. Mimi-na-Gusa immobilisée par ma tenaille, je prend sa langue bien serrée et commence à la scier doucement devant ses yeux. Des yeux qui ne parlent plus, qui ne se dérobent plus, qui ne trompent plus, ne trahissent plus. Des yeux de douleur sans fureur. Autour de la bouche vide de langue et des yeux terrifiés de Mimi-na-Gusa, j’ai placé une cage d’osier avec 3 rats affamés que j’avais amenés. Aussitôt, à petits cris, ils commencent impatiemment à ronger les chairs vives. Dans l’âme de Mimi-na-Gusa, les oiseaux avant de s’envoler tirent les cordes des cloches de bronze, et les taureaux, cornes basses, rugissent et martèlent le sol à la recherche de rouge. Pourquoi cette terreur, Mimi-na-Gusa, elle effraie les petits oiseaux qui s’envolent. Je n’ai pas voulu enfoncer une aiguille dans son cœur pour l’achever. Elle ne put mourir que trois jours après, un des rats avait toucher le cerveau, pendant que les autres par sa gorge, étaient descendus et s’étaient répandus sous sa poitrine. Ivane était devenu terrible. Son âme épuisée et brûlée le rendait fou et quand son regard fixe se relevait quelques instants, en face de lui, dans un bocal, le fœtus de son imaginaire bougeait. C’était comme une plaie ouverte et rouge dans la pénombre de sa mémoire. Alors Ivane ordonnait sans raison, à moi Maloutia de faire griller le Died-Moroz, d’éventrer le Domovoï, de trancher dans les autres innocents...
A cette époque, moi Inoshé, quand j’étais Maloutia courant derrière l’âme d’Ivane,
j’ai perdu la mienne. Mais je sais aussi dès cette époque, mais je sais aussi que moi, Maloutia, j’ai eu des visions précises : qu’il me faudrait cinq cent années d’ombre avant de recevoir d’autres appels fous qui m’hypnotiseraient jusqu’à l’esclavage. Cinq cent années avant que Carolyn Carlson ne remplisse les espaces de sa grâce et offre l’espoir et le souplesse à mon corps raidi et à mon cœur qui flotte à la poursuite de tous ces oiseaux qui se sont envolés de frayeur.



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